Suite à la fermeture du sulfureux site megaupload.com, nous avons cherché à comprendre comment la justice américaine avait procédé pour faire disparaitre en quelques heures le site Web d’une société basée à Hong Kong, dont seule une petite partie des serveurs était hébergée sur le territoire des Etats-Unis. Nous avons voulu savoir s’il existait un « interrupteur » géant sur le réseau Internet, et qui peut vraiment l’activer. Bref, je vous propose un petit voyage chez les acteurs qui font l’Internet.
L’ICANN
L’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) a été créée en 1998 par le gouvernement américain. Il s’agit de l’autorité qui gère les extensions dites de premiers niveaux des noms de domaines (à savoir les .com, .net, .fr, etc.) et assure la gestion du système d’adressage IP du Web. Le statut et le rôle de l’ICANN sont soumis à controverse, car bien que sa compétence soit mondiale, elle reste soumise à la justice de l’état de Californie. Compte tenu du rôle stratégique de l’ICANN, de nombreux pays militent pour qu’il soit dirigé par un organisme indépendant, comme l’ONU par exemple.
Les Registry : VERISIGN, AFNIC, EURID …
Si l’ICANN est l’autorité qui gère toutes les extensions de premiers niveaux, dans les faits, elle délègue l’enregistrement et la gestion des noms de domaines à des « Registres Internet » (Registry) en fonction des extensions. Ainsi la gestion des .com est assurée par la société privée américaine Verisign, les .fr sont gérés par l’AFNIC qui est une association française loi 1901, ou encore l’EURID qui est une association belge en charge des .eu. Chaque registry suit ses propres règles d’enregistrement des domaines et est soumis aux décisions de la justice nationale de leur pays.
Les registrars : GANDI, OVH …
Ces registres Internet (Registry) s’appuient eux même sur des bureaux d’enregistrement (Registrar) qui assurent la vente directe auprès du client final. Ces bureaux d’enregistrement assurent également la mise à jour du système DNS, c’est-à-dire la base de correspondance entre les adresses IP et les noms de domaine.
Les Hébergeurs Web : OVH, AMEN, 1&1 …
L’hébergeur web est une entité (généralement une société commerciale) qui met à disposition des capacités (serveurs, réseaux, etc.) permettant de mettre à disposition des internautes des sites/services Web. Généralement les hébergeurs Web assurent également le rôle de registrar. C’est le cas par exemple de la société OVH, le leader français de l’hébergement. Généralement les Agences Web travaillent directement auprès des hébergeurs Web.
Les opérateurs Télécoms et FAI : Orange, SFR, Free …
Les opérateurs Télécoms et FAI (Fournisseur d’Accès Internet) assurent l’accès à Internet et le transfert des données auprès du grand public et des entreprises.
Note : Et le W3C alors ?
Le W3C (World Wide Web Consortium) est un organisme à part, fondé en octobre 1994 et à but non-lucratif. Il est l’organisme de standardisation chargé de définir et de faire la promotion des technologies du World Wide Web (HTML, CSS, XHTML, XML, PNG, etc.). De fait, le W3C a acquis une légitimité qui lui permet de guider les technologies du Web dans une même direction sur le long terme et ainsi d’améliorer leur compatibilité. Par la même occasion il permet de mettre en place des directives sur des sujets variés tels que l’accessibilité des sites Web. De par sa philosophie, le W3C a toujours privilégié l’échange afin d’aboutir à des recommandations, qu’il ne considère d’ailleurs pas comme des normes standardisées. Le W3C laisse ensuite aux différents acteurs de l’Internet la liberté de suivre ou non ses recommandations.
Conclusion
Vous l’avez compris, chacun de ces acteurs peut potentiellement supprimer un site sur la base d’une injonction de justice de son pays. Ainsi, une injonction de la justice américaine est suffisante pour imposer à la société Verisign (Registry du .com) la fermeture de n’importe lequel des 95 millions de noms de domaine en .com, qu’il s’agisse d’un site américain ou non. C’est ce qui s’est passé dans le cas du site Megaupload.com. Cela pose bien sûr beaucoup de questions d’autant qu’il y a eu plusieurs précédents, ainsi en 2011, la justice américaine avait fait fermer le site espagnol de football rojadirecta dont elle jugeait les activités illégales, ce qui avait été déclaré totalement illégitime par la justice espagnole. Dans les faits, le gouvernement américain a bien la mainmise sur l’Internet dans la mesure où l’ICANN reste directement dépendante de la justice américaine.