Un métier : Scrum Master
Les méthodes de gestion de projet Web ont donné naissance à de nouveaux métiers. Pour connaitre les missions et le quotidien d’un Scrum Master, j’ai mené l’enquête auprès de Sylvain : Scrum Master au sein de France Telecom.
Premièrement, est-ce que tu peux te présenter auprès de nos lecteurs ?
J’ai commencé mon expérience dans les métiers de l’informatique lors de mes études supérieures, pendant lesquelles j’ai alterné stages et CDD dans différentes sociétés, principalement dans le domaine du Web. Je me suis ensuite dirigé vers une formation d’ingénieur spécialisé en informatique par apprentissage : 3 ans durant lesquels j’ai travaillé au sein de France Télécom en tant que développeur Java sur le référentiel du réseau de Collecte Giga Ethernet (réseau français fédérant les connexions des clients pour les amener vers le réseau International). J’ai pris le rôle de Scrum Master depuis plusieurs mois.
Qu’est-ce qui t’a orienté vers les méthodes Agiles ?
Lors de ma formation d’ingénieur par apprentissage j’ai intégré France Télécom en tant que développeur. J’ai assisté à la naissance d’un projet en mode Agile, projet sur lequel je travaille depuis 2 ans aujourd’hui en tant que développeur Java J2EE, destiné à remplacer les anciens référentiels réseaux. Ce sont 2 années durant lesquelles j’ai exercé et vu évoluer la méthode au sein de l’équipe. Il y a plusieurs mois, j’ai repris le rôle de Scrum Master. J’ai pris ce rôle à cœur et je me suis documenté de nouveau afin d’essayer de revenir aux fondamentaux Agiles tout en profitant de l’expérience que l’équipe a acquise sur ce mode de fonctionnement.
Quelle définition donnerais-tu de ton métier ? (Chef de projet, référent processus Scrum, manager… ?)
Je te dirais que parmi les termes cités plus haut « référent processus Scrum et manager » répondent au mieux à la définition de Scrum Master.
Dans un processus Scrum, le rôle de chef de projet n’existe pas. C’est l’équipe de développement elle-même qui s’organise (définition et choix des tâches).
On a l’habitude de définir le Scrum Master davantage comme un « coach ». Ce coach essaye de :
- motiver l’équipe,
- d’identifier les problèmes de communication,
- de faire en sorte de respecter les principes de l’Agilité
Le coach reste proche de l’équipe, discute régulièrement avec chacun, motive, ce pourquoi le terme de « manager » peut être éventuellement utilisé pour définir quelques aspects du rôle de Scrum Master.
En tant que Scrum Master, quel est le quotidien au sein de ton équipe ?
J’essaye de dynamiser l’équipe, de m’assurer que ses membres communiquent bien entre eux, qu’ils respectent les principes du manifeste Agile. De plus, j’organise les réunions qui font partie du cérémonial Scrum et je joue le rôle de « facilitateur » dans ces réunions (Je m’assure que chacun se sente en mesure de s’exprimer, que chacun participe etc.). Ensuite, j’essaye de revoir notre façon de travailler afin de calquer au maximum avec la méthodologie Scrum. Avec les années, l’équipe a perdu quelques habitudes importantes décrites par Scrum (définition de fini, importance de l’estimation lors de la planification de release). Je joue aussi le rôle d’intermédiaire entre l’équipe de développement et l’équipe Product Owner. L’équipe Product Owner me demande régulièrement l’état de l’avancement du sprint par exemple. Je mets donc à jour un burndown chart quotidien pour suivre l’avancement, que je partage avec les P.O et les développeurs. Je m’assure aussi que les développeurs disposent de tous les moyens possibles pour travailler au mieux.
Sur le plan humain, il peut arriver parfois aussi que certains membres de l’équipe ne respectent pas les règles mises en place par l’équipe elle-même lors des rétrospectives, ou ne respectent pas le processus Scrum. Les raisons peuvent être d’origines diverses : personnelles et temporaires, démotivation sur le projet, ou encore des tensions avec certains membres. La facette de manager peut alors apparaître ici. Malgré mon jeune âge, le rapport avec les membres de l’équipe en tant que SCRUM Master se déroule très bien car il n’y a pas de notion de hiérarchie. Je m’intéresse beaucoup à cette méthode, et j’expose à chaque fois à l’équipe les processus Scrum que j’essaie de remettre en place et pourquoi. Mon expertise technique me permet aussi de comprendre le langage des développeurs ce qui me permet d’avoir de bons échanges avec eux, et de faire le lien avec le Product Owner.
Comment ton équipe perçoit-elle cette méthode de management ?
L’équipe apprécie beaucoup l’aspect collectif dans cette façon de travailler. Chaque élément de l’équipe apporte sa pierre à l’édifice. L’expression « enfin un peu de démocratie » est même apparue lors de mes conversations avec certains développeurs : « On choisit une solution ensemble, notre avis de développeur compte, on s’organise de nous même, c’est plus intéressant ».
Sur le plan technique, certains membres de l’équipe estiment qu’ils apprennent davantage et montent en compétence plus rapidement avec cette façon de travailler. D’autres ont quelques regrets à devoir quitter l’équipe pour repartir sur des projets en cycle en V.
Du côté client, la transparence de l’équipe est largement appréciée, ainsi que la réactivité dans le traitement de bug/anomalie.
Quels sont les pré-requis pour mettre en place Scrum dans une entreprise ?
Scrum est un ensemble de pratiques adaptables en fonction d’un contexte. Je dirais qu’il n’y a pas forcément de pré-requis pour mettre en place Scrum dans une entreprise, mis à part le fait d’être ouvert d’esprit pour un changement parfois radical des anciens modes de fonctionnement . En effet, une entreprise dont l’organisation s’éloigne fortement des principes décrits dans l’Agilité aura plus de difficultés à mettre en place Scrum.
Il faut dans tous les cas analyser les contraintes de l’entreprise et le contexte du projet pour adapter les pratiques Scrum en fonction. Il ne sera pas forcément possible d’appliquer Scrum de la même façon sur tous les projets de l’entreprise.
Cependant, il sera plus simple d’appliquer Scrum sur des projets nouveaux, n’ayant pas une criticité trop élevée, et dans une équipe basée sur une relation de confiance entre ses membres. De plus, la taille de l’équipe joue un rôle. Il est conseillé d’appliquer Scrum dans des équipes inférieures à une dizaine de personnes. Ainsi pour les grandes équipes il peut être envisagé de les découper en plusieurs petites équipes.
Il faut aussi prendre en compte le niveau d’ingénierie de l’équipe de développement. Elle doit disposer dans son intégralité de toutes les compétences nécessaires pour le produit, les connaissances doivent être partagées. Cela va de la gestion de configuration pour l’intégration continue, les outils et frameworks, la conception de l’architecture logicielle, à la mise en place des environnements. Des formations doivent être prévues en cas de manque. Il en va de la réussite du projet Scrum.
Il sera plus simple de mettre en place Scrum dans une équipe située sur le même lieu de travail (l’open space est même fortement conseillé) afin de profiter au maximum des avantages du cérémonial Scrum. Cependant, pour les équipes travaillant à distance, il est toujours possible de s’adapter grâce à des outils pour collaborer à distance, en prenant bien conscience qu’on ne profitera pas de tous les avantages et de l’effet de synergie de Scrum. Actuellement, chez France Télécom, le Product Owner n’étant pas en mesure de venir travailler sur le lieu de l’équipe de développement, il dispose d’un représentant proche de l’équipe de développement prêt à répondre aux interrogations de l’équipe. On dispose donc d’une équipe Product Owner répartie sur les deux lieux de travail.
Enfin, dans les grandes entreprises dont l’organisation est déjà en place depuis des années, les nouveaux projets en mode Agile ont besoin de cohabiter avec l’organisation habituelle de l’entreprise. Le passage de l’entreprise en « tout Agile » n’est pas envisageable. Il faudra, après analyse du contexte et des contraintes, mettre en place un cadre permettant au projet Agile de respecter les contraintes de la société. Ici aussi l’adaptation est de rigueur. Sur notre projet, nous avons un chef de projet qui sert d’intermédiaire entre l’équipe développeurs/Scrum master/ PO et les différents services de France Télécom afin de fournir les documents en rapport avec les jalons et à la qualité.
En résumé, Scrum est très adaptable et peut être mis en place dans les entreprises sans trop de pré-requis à condition de l’adapter judicieusement et en gardant en ligne de mire les principes Agiles.
Pour rappel, cet article fait partie d’une série :